Par le feu et par le sang by Pendleton Don

Auteur:Pendleton, Don [Pendleton, Don]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Publié: 2013-12-29T15:57:53+00:00

Julia Verdeke commençait à avoir froid, et son bras tenant le glaive à la verticale contre le fauteuil souffrait d’un début d’ankylose. Elle avait déjà éternué deux fois et elle aurait bien aimé un peu de repos. Mais, debout devant son chevalet et ne semblant rien remarquer, le bel Angelo ne la regardait qu’à peine. Il n’avait plus dit un mot depuis le début de la séance et son attitude avait changé. Comme plongé dans un état second, il avait attaqué sa toile à larges coups de brosses, maxillaires serrés et regard fixe. Il n’y avait plus rien de romantique dans son expression et Julia Verdeke en fut vaguement déçue. L’espèce de complicité qui les avait unis jusqu’alors lui manquait déjà et elle craignait que le charme soit définitivement rompu. Elle aurait aimé regarder le travail sur la toile, mais, elle le savait, les peintres n’apprécient guère qu’on voie leurs œuvres avant leur achèvement. D’ailleurs, Angelo ne devait pas être très satisfait, car de minute en minute son comportement changeait. Et, au moment où elle éternuait pour la troisième fois, elle découvrit sur son visage une expression inattendue de colère. Dans les minutes qui suivirent, elle le vit plusieurs fois disparaître derrière la toile et l’entendit renifler comme s’il s’enrhumait à son tour. Peu après, délaissant brusquement ses brosses, il s’essuya les mains à un chiffon, sortit un étui à cigarettes de sa poche, en retira un rouleau blanc plutôt informe qu’il alluma avec des gestes heurtés. Puis, soufflant la fumée dans une sorte de soupir, il dit à Julia en la fixant de son regard soudain redevenu tendre :

— Ça vient ! Je sens que ça vient !

Il parlait évidemment de son sujet et, pourtant, il paraissait de plus en plus fiévreux. Julia avait froid et allait demander une pose quand, semblant hésiter un instant, il finit par venir vers elle, les yeux fixés sur la grande épée. Dans son regard, une étrange lumière s’était allumée. Si intense que Julia en eut presque peur. À cet instant, elle enregistra deux choses en même temps : l’odeur de la fumée de cigarette, et la trace blanche sur la narine gauche d’Angelo.

L’artiste fumait du hasch et sniffait de la coke.

Julia Verdeke comprit avec un peu de retard que le peintre était super chargé, d’où son attitude, et ce regard inquiétant qu’il dardait à présent tour à tour sur son corps nu et sur la grande épée. Alors, Julia sentit la peur monter en elle. Une vague de froid l’investit tout entière et elle fut secouée par un violent frisson. Lâchant la poignée du glaive, elle se pencha en avant pour ramasser le peignoir répandu aux pieds du fauteuil, aperçut l’ombre portée du glaive brandi au-dessus d’elle, se redressa d’un bloc, un hurlement au bord des lèvres. Mais Angelo n’avait fait que rattraper l’arme de collection avant qu’elle ne tombe. Il souriait et, dans son regard, il y avait comme de l’incompréhension.

— Ça va aller, Julia, ça va aller.

Elle se sentit toute bête.

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